réflexion

Yasu en arrivant, fut heureux de constater que les bains étaient vides. Il ne se sentait pas d'humeur à supporter la présence de quelqu'un.

*Je suis devenu vraiment associal à force*

Il se déshabilla, entra doucement dans le bain, s'installant confortablement pour se laver.

*Mes cheveux sont trop lourds*

Sortant quelques minutes du bain, il enfila un peignoir, tira un kriss de ses vêtements, s'assit et s'empara de ses longs cheveux qu'il ramena sur l'épaule droite. Il entreprit de couper les lourdes mèches noires, qui tombaient au fur et à mesure, jonchant le sol autour de lui.

Reira entra dans les bains, portant dans ses bras le pot d'où émergeait la plante lumineuse, son sac en bandoulière. Elle vit Yasu, vêtu d'un peignoir, assit sur le sol, occupé à couper, non, plutôt à trancher les mèches de ses cheveux lui tombant à la taille. Elle resta un instant stupéfaite devant un pareil sacrifice.

Je... bonjour.

Elle avait murmuré ces mots d'une voix timide, à peine audible. Elle déposa ses affaires dans un coin, s'approcha de Yasu.

C'est tellement dommage de couper de si beaux cheveux... Mais je peux peut-être t'aider. Tu pourrais te blesser en tranchant les mèches à l'aveuglette.

S'interrompant une minute dans sa tâche, Yasu se tourna vers Reira. Ses lèvres minces esquissèrent un pâle sourire.

Il faut parfois se débarrasser de ce qui vous pèse, même si ça doit être douloureux.

Il lui présenta le poignard malais à la lame recourbée et effilée, avant de lui tourner le dos pour qu'elle puisse couper ses cheveux.

Reira laissa résonner en elle les paroles profondes de Yasu. Elle s'agenouilla derrière lui, et prit une à une les mèches pour les sectionner, de longs cheveux noirs tombant épars, tranchant sur sa robe immaculée.

Je veux me débarrasser d'un fardeau. Mais je ne suis pas sûre d'y arriver seule. Je n'ai plus la force d'autrefois. Mais en même temps, je ne peux échouer.

*Quand j'aurai replanté l'arbre de la Déesse, j'aurais rempli ma mission et je pourrai enfin être ce que je désire, libre de tout engagement. Mais c'est effrayant, la liberté, ça laisse reposer tellement de responsabilité sur vos épaules, d'avoir le choix...*

Reira aurait voulu que Yasu puisse lire dans ses pensées pour connaître ces tourments qui la hantait tellement que les mots ne franchissaient pas ses lèvres.

Comme Reira avait achevé de lui couper les cheveux, Yasu se releva et s'inclina courtoisement devant elle pour la remercier. Ils ramassèrent les mèches éparses et les rassemblèrent dans le sac que Yasu avait amené. Puis, se tournant pudiquement le dos l'un à l'autre, ils se dévêtirent et entrèrent dans l'eau, enroulés de serviettes.

Ils restèrent un long moment sans reparler de ces sujets graves qui les hantaient l'un et l'autre. Mais ils discutèrent de toutes sortes d'autres choses. Yasu raconta les montagnes où il avait grandit, sans dire qu'il y avait été chassé lors de la destruction de sa forêt natale. Il évoqua les lacs miroitants, les paysages d'une beauté glacée à couper le souffle.

Reira avait écouté attentivement Yasu. Ils étaient assis côte à côte dans l'eau, si proches qu'ils auraient pu se toucher en étendant la main. Elle sentait un esprit plus fort, plus profond que celui de Ryuji. Peut-être aussi était-ce dû aux longs siècles que l'un et l'autre avait traversés ?

Quand je suis arrivée à l'âge adulte, l'Ancien me confia une mission très importante. Il me remis un coffret de bois contenant une seule graine. C'était tout ce qui restait de la Grande Forêt, celle qui avait été créée en premier par la Déesse, la forêt de lumière. Il me fallait préserver ce trésor, et quand des temps plus paisibles seraient revenus, la mettre en terre. Ce temps est venu, mais au bout de tant de siècles de tourmentes et de guerres où j'ai dû fuir, protéger cette graine des convoitises et des flammes, maintenant, au moment d'accomplir ma mission, je ressens un vide en moi.

Tu as peur de te sentir inutile. Mais la vie peut te réserver beaucoup d'autres buts que de veiller sur cet arbre sacré. Il existe tellement d'autres trésors ! Tu as peur que cet acte qui sonne le glas de ta mission te précipite en même temps dans la mort.

Reira aquiesça à ses paroles, en silence, le visage pâle d'angoisse.

Mais si j'y vais avec toi, main dans la main, sans jamais te lâcher ?

Admin Nombre de messages : 294 Age : 32 Date d'inscription : 19/04/2006

["sans jamais te lacher?",trop mignon main dans la main, le kisu,le kisu,le kisu]

Reira, surprise par ces paroles, leva les yeux sur le visage de Yasu. Elle lui fut reconnaissante de ne pas sourire, de garder cet air grave et sérieux, qui maintenant, avec ses cheveux coupés en courtes mèches ébouriffées, le transfigurait. Après être restée sans mot dire quelques secondes, elle articula clairement, d'une voix rafermie, le regardant droit dans les yeux :

...alors j'irai au bout du monde.

Ils se rhabillèrent, sortirent des bains et se dirigèrent vers la forêt. Reira serrait la main de Yasu de toutes ses forces.

[vont dans la forêt]