nouveau départ...

Ryuji se réveilla ce matin-là en prise à des pensées et des sensations contradictoires. Un léger malaise dans son esprit laissait un goût acide dans sa bouche. Il entra dans le salon où Yasu était assis tranquillement, la table du petit déjeuner dressée, en train de lire un livre dans le fauteuil près de la fenêtre.

Encore embrumé, légèrement fiévreux, Ryuji murmura un vague "salut." Puis il s'assit à la table, mais ne mangea rien. Il restait immobile, comme égaré.

Yasu releva les yeux de son livre.

ça ne va pas ? Tu as l'air tout chose.

Ryuji ne lui répondant pas, Yasu finit par se lever. Il versa du thé dans le bol de Ryuji, prépara un jus d'orange, sortit des yaourts du frigo.

Il ne va pas falloir non plus que je te beurre tes tartines ? Secoue-toi un peu ! Ou alors crache tout de suite ce qui ne va pas.

Yasu parlait très rarement ainsi. Mais même s'il connaissait peu Ryuji, il s'était aussitôt pris d'une très grande symptahite envers lui et ne supportait pas de le voir dans un état pareil.

Je ne sais pas...

Soudain, le rouge de la honte lui monta aux joues.

*Si, tu le sais parfaitement, et en plus tu mens à Yasu et tu l'inquiètes*

C'est... c'est difficile à expliquer, et en même temps très bête.

Ryuji vit le regard interrogatif, mais patient de Yasu posé sur lui. Il ne l'agressait pas par des questions, ne se montrait pas pressant dans son attitude, mais en même temps était très attentif. Soulagé, Ryuji se détendit légèrement.

Tu vois, en arrivant ici, j'ai rencontré une fille adorable, Sakura. Elle est très douce et très gentille, j'ai beaucoup d'affection pour elle. Elle est à la fois forte et fragile, je me sens utile auprès d'elle parce que je me retrouve dans le rôle du protecteur en quelque sorte. Elle est gracieuse et souriante, nous avons beaucoup de choses en commun et nous entendons à merveille.

Ryuji marqua une pause, le temps de remettre de l'ordre dans ses pensées.

Sakura aussi semble avoir beaucoup d'amitié pour moi. Et voilà que je rencontre Reira dans un moment de doute, ou plutôt de détresse. Or, et je n'avais jamais éprouvé ça auparavant, elle m'a soulagé des pensées qui me torturaient presque sans rien dire, comme si elle me connaissait depuis toujours et me comprenait. Non, plutôt comme si elle ressentait la même chose que moi.

Ryuji se tut, l'air abattu.

Yasu se taisait, écoutant patiemment Ryuji lui raconter ses soucis. Il garda un moment le silence quand Ryuji se tut, puis, calmement, dit :

As-tu promis ou suggéré quelque chose de plus que de l'amitié à l'une ou à l'autre ?

Ryuji releva les yeux sur Yasu, l'air ahuri.

Non, non, bien sûr que non ! Je sais que je peux être d'une nature exubérante, mais il ne me semble pas avoir eu une attitude ambiguë, que ce soit avec Sakura ou Reira.

Ryuji tenta de se remémorer les différents moments passés avec chacune des jeunes filles.

J'ai embrassé Sakura sur la joue en partant du yakitori un soir où nous dînions ensemble, mais c'était surtout parce que je devais la laisser en plan, on m'avait appelé pour une urgence à l'hôpital. Comme elle venait de me confier quelque chose de triste, c'était un geste de sympathie, de réconfort. Quant à Reira, c'est elle qui m'a pris dans ses bras hier soir, et même si c'est un geste osé, même intime, je n'ai pas senti cela comme une avance. C'était plutôt une sorte de don, sans demande de réciprocité ou de retour.

Tu es en train de t'inventer des tortures. Tu crois tromper Sakura et Reira, leur donner un espoir inutile. Mais tu n'es même pas sûr des sentiments qu'elles nourrissent pour toi.

Yasu resta encore silencieux quelques minutes, roulant une cigarette avant de l'allumer.

L'important, je pense, est de rester honnête envers l'une et l'autre. Si ton coeur éprouve plus que de l'amitié pour Sakura ou Reira, n'aies pas peur de le montrer. Mais si après, l'autre jeune fille laissait paraître des sentiments plus profonds, tu devras alors être franc avec elle.

Yasu vit à l'air tourmenté de Ryuji que rien n'était résolu.

Tu éprouves une très forte attirance pour les deux. D'accord. Je n'ai qu'une chose à dire : prends du temps pour réfléchir, décide-toi et sois toujours franc avec toi-même et les autres. Maintenant mange quelque chose et file t'aérer l'esprit.

Coupant court à la conversation, Yasu sortit de l'appartement.

[bains]

Ryuji resta songeur après le départ de Yasu. Il lui obéit néanmoins, mangea un morceau et rangea la table. Il lava la vaisselle, fit un brin de toilette et mit des vêtements propres.

*J'irai aux bains plus tard*

[va au temple]